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ASSOCIATION DES ANCIENS ELEVES DE L’INSTITUT PASTEUR

Visioconférence du 12 novembre 2018

 

Trypanosomose Humaine Africaine : le chainon manquant ?

Brice Rotureau
Trypanosome Transmission Group
Trypanosome Cell Biology Unit
INSERM U1201 & Department of Parasites and Insect Vectors
Institut Pasteur - 25, rue du Docteur Roux 75015 Paris, France


Trypanosoma brucei gambiense est un protiste parasite transmis par la piqûre de la mouche tsétsé et responsable de la trypanosomose humaine africaine (THA), ou maladie du sommeil, en Afrique occidentale et centrale. La THA est présente dans des zones endémiques précises représentant environ 13 millions de personnes à risque et environ 1 500 nouveaux cas par an. L'OMS espère éliminer la THA en tant que problème de santé publique en Afrique de l'Ouest d'ici 2020. Cet objectif est encouragé par le succès des mesures de surveillance qui reposent en partie sur la détection des trypanosomes extracellulaires dans le sang. Cependant, la densité parasitaire dans le sang fluctue périodiquement pendant une infection et peut parfois être faible voire indétectable. De plus, chez les personnes asymptomatiques trypanotolérantes récemment décrites, les parasites vivants restent indétectables, ce qui pose la question d’un possible rôle de réservoir pour ces infections latentes. Enfin, nos connaissances sur les réservoirs animaux des trypanosomes sont limitées et leur importance pourrait être différente entre les foyers de transmission. Par conséquent, la persistance ou la réémergence de la transmission des trypanosomes dans les foyers historiques reste énigmatique et pourrait entraver les programmes de lutte de l'OMS.
Comprendre le processus de transmission des parasites est essentiel pour concevoir des mesures de contrôle rationnelles permettant de briser le cycle de la maladie et nécessite l'identification de toutes les sources d'infection. Dans ce contexte, nous avons récemment démontré certaines caractéristiques frappantes inattendues de la biologie et de la transmission des parasites. Des souris ont été infectées par piqûre de glossines avec des trypanosomes bioluminescents et surveillées par imagerie intravitale. Nous avons découvert que les parasites se développaient d'abord dans le compartiment extravasculaire de la peau avant de pouvoir être détectés dans le sang. Alors que les parasites sanguins restaient à peine détectables au cours de l'infection, des populations de parasites étaient observées en permanence dans la peau avec une distribution dynamique et des densités variables. Compte tenu du mode alimentaire telmophage de la mouche tsétsé, nous avons pensé que les parasites présents dans le derme pouvaient être ingérés avec le repas de sang. En effet, des glossines naïves se nourrissant sur des souris présentant des parasites dans la peau mais pas dans le sang furent infectées et les trypanosomes ingérés étaient capables d’accomplir leur développement cyclique dans le vecteur.
Pour vérifier la présence de parasites cutanés chez l'homme, nous avons récemment mené une étude pilote prospective dans une région endémique en Guinée où des parasites ont été trouvés dans les biopsies cutanées de tous les patients. De manière frappante, 100% des cas d’infection latente, normalement non traités, portaient également des parasites dans leur derme. Ces observations suggèrent fortement que les populations de parasites cutanés chez les patients et les cas latents sont susceptibles de contribuer de manière significative au maintien de la transmission du parasite, éventuellement en combinaison avec des réservoirs animaux.
Un réservoir cutané représente une nouvelle cible pour le diagnostic qui permettait de déterminer avec précision la prévalence des infections et d'identifier tout réservoir animal non détecté antérieurement. Ces résultats pourraient donc permettre d’améliorer la stratégie de dépistage de la maladie dans le contexte de son élimination, en prenant en compte un réservoir important de parasites longtemps resté ignoré. 

 

Human African Trypanosomiasis: the missing link?

Trypanosoma brucei gambiense is a protist parasite transmitted by the bite of the tsetse fly and responsible for Human African Trypanosomiasis (HAT) or sleeping sickness in Western and Central Africa. HAT is present in discrete endemic areas with approximately 13 million people at risk and ~1,500 new cases / year. WHO hopes to eliminate HAT as a public health problem in West Africa by 2020. This target has in part been encouraged by the success of surveillance efforts that rely partly on detecting extracellular trypanosomes in human blood. However, the parasite density in the blood periodically fluctuates during an infection and can be sometimes low and undetectable. More importantly, in the trypanotolerant asymptomatic people recently described, living parasites remain undetectable, raising the question of a possible role of reservoirs for these latent infections. In addition, our knowledge on trypanosome animal reservoirs is limited and their importance might be different between transmission foci. Therefore, the persistence or re-emergence of trypanosome transmission in historical foci remains enigmatic and may hinder WHO control programmes.
Understanding the process of parasite transmission is essential for the design of rational control measures to break the disea¬se cycle and requires the identification of all sources of infection. In this context, we have recently demonstrated some unexpected striking features of the parasite biology and transmission. Mice were infected with bioluminescent trypanosomes through the bite of tsetse flies and monitored by intravital imaging. We discovered that parasites first develop in the extravascular compartment of the skin before they could be detected in the blood. Although blood parasites remained barely detectable during the entire course of infection, populations of parasites were continuously detected in the skin with a dynamic distribution and in variable densities. Given the telmophagous (slash and suck) feeding habit of the tsetse fly, we reasoned that skin-dwelling parasites could be ingested with the blood meal. Indeed, naïve tsetse flies that were allowed to feed on infected mice, with parasites in the skin but not in the blood, became infected, and the ingested trypanosomes further completed their cyclical development in the vector.
To verify the presence of skin-dwelling parasites in humans, we have recently conducted a prospective pilot study in a HAT endemic region of Guinea where parasites where found in skin biopsies from all patients. Strikingly, 100% of latent infection cases, that are normally left untreated, were also bearing parasites in their skin. These breakthrough observations strongly suggest that skin-dwelling parasite populations in both patients and latent cases are likely to significantly contribute to the maintenance of the parasite transmission, possibly in combination with animal reservoirs.
A skin reservoir represents a novel target for diagnosis, allowing the prevalence of infection to be accurately determined and the identification of any previously undetected animal reservoirs of human disease. These results question the screening strategy for the disease that is currently based on the detection of parasites in blood and lymph and raises the possibility of eliminating the disease, by taking into account a significant reservoir of parasites that has remained hidden so far.

Vous pouvez télécharger le diaporama de la conférence en cliquant ici.

L'enregistrement de la visioconférence est disponible sur la chaine Institut Pasteur EDUCATION YouTube à l'adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=S7GDbp9b8Ls&t=46s